Pourquoi les enfants aiment lire et relire les mêmes histoires

Date de publication : 22 janvier 2019

Jane HerbertUniversity of Wollongong et Elisabeth DuursmaUniversity of Wollongong

En tant que parents, on entend souvent dire qu’il est bénéfique de lire des histoires à nos enfants le soir pour enrichir leur vocabulaire, renforcer leurs capacités de compréhension et tisser de bonnes relations familiales. Mais les experts ne savent pas ce qui se passe vraiment chez vous, et ce que votre enfant demande, en réalité, c’est qu’on lui lise le même livre tous les soirs, parfois même plusieurs fois de suite chaque soir. À tel point que vous en connaissez l’un et l’autre toutes les phrases par cœur.

Étant donné que les jeunes enfants se souviennent particulièrement bien des activités qu’ils réalisent avant de dormir, on peut se demander si ces effets de répétition ont un intérêt du point de vue des apprentissages. Et la réponse est oui. Tout en prenant plaisir à écouter l’histoire, vos enfants continuent à découvrir quantité de nouvelles choses à travers les images, le texte du livre et vos échanges.

La répétition plaît aux enfants

On constate souvent que les très jeunes enfants préfèrent la familiarité à la nouveauté, c’est une caractéristique du stade d’apprentissage précoce. Ils préfèrent par exemple les visages de même genre et groupe ethnique que la personne qui s’occupe d’eux au jour le jour.

Avec l’âge et l’expérience, ils vont commencer à rechercher la nouveauté. A quatre ou cinq mois, ils trouvent les visages inconnus plus intéressants que celui désormais si familier de leur parent.

Ceci dit, si on lui montre à plusieurs reprises une photo de sa mère, même un bébé de trois jours va préférer se tourner vers un nouveau visage. Une fois qu’ils ont enregistré suffisamment d’informations à partir d’une image, les nourrissons sont donc prêts pour de nouvelles expériences.

L’âge de votre enfant influe sur la vitesse à laquelle il va apprendre et se souvenir des lectures que vous partagez. Deux principes clés du développement de la mémoire sont que les plus jeunes enfants ont besoin de plus de temps pour enregistrer des informations et qu’ils les oublient plus vite.

C’est ainsi que les enfants d’un an assimilent une séquence de nouvelles actions deux fois plus vite que des bébés âgés de six mois. Et si les enfants d’un an et demi se souviennent de cette séquence pendant 15 jours, ceux de deux ans s’en rappellent pendant trois semaines.

Les sources d’information en deux dimensions, comme les livres et les vidéos, sont toutefois plus difficiles à traiter pour eux que des expériences directes. C’est pourquoi une exposition renouvelée les aide à en tirer profit.

Le vocabulaire varié de la fiction

Des bébés âgés d’un an et demi à deux ans à qui on a raconté quatre fois la même histoire ont reproduit de manière beaucoup plus précise les actions nécessaires à la fabrication d’un hochet que ceux qui l’avaient entendu deux fois. De même, en doublant l’exposition à une démonstration vidéo de tout-petits – âgés de 12 à 21 mois, on améliore leur mémoire des actions ciblées.

La lecture répétée des mêmes livres d’histoires aide aussi les enfants à apprendre de nouveaux mots, surtout quand ils ont entre trois et cinq ans.

La répétition facilite l’intégration d’informations complexes en donnant à l’enfant plus d’occasions de les enregistrer, en lui permettant de se focaliser sur différents aspects d’une expérience, tout en posant des questions et en reliant des concepts entre eux à travers vos discussions.

Vous pensez peut-être que les livres d’histoires pour enfants ne sont pas compliqués mais ils contiennent en fait 50 % de mots rares en plus qu’une émission de télévision à une heure de grande écoute, ou encore qu’une conversation entre étudiants. Vous souvenez-vous de la dernière fois que vous avez utilisé le mot « girafe » en discutant avec un collègue ? Assimiler toutes ces questions prend du temps.

Ces avantages de la répétition étant reconnus en matière d’apprentissage, la technique a été intégrée dans la conception de certains programmes télé éducatifs. Pour renforcer son programme d’études, le même épisode de Blue’s Clues (une émission américaine pour enfants) par exemple est rediffusé chaque jour pendant une semaine, tandis qu’une structure cohérente traverse tous les épisodes.

Regarder cinq jours de suite le même épisode de Blue’s Clues a permis à des enfants de trois à cinq ans de mieux en comprendre le contenu et a accru leurs interactions. Au fil des répétitions, ils apprenaient à suivre la structure d’un programme de télévision et à transférer leurs connaissances d’un épisode et d’une série à l’autre. C’est le même processus qui est probablement en jeu avec la relecture d’une histoire.

Exploitez la richesse du récit

La prochaine fois que votre enfant vous demande de relire une histoire bien connue, rappelez-vous qu’il s’agit d’une étape importante dans sa découverte du monde. Vous pouvez profiter de ce contexte familier pour favoriser d’autres apprentissages, en vous concentrant sur quelque chose de différent à chaque nouveau récit.

Un jour, regardez de plus près les images, le lendemain, privilégiez le texte ou laissez votre enfant retrouver certains mots du texte. Rattachez l’histoire à des événements réels de son monde d’enfants. Cette inscription dans un contexte plus large est plus stimulante et aiguise davantage les compétences cognitives des enfants.

Vous pouvez aussi rebondir sur leurs centres d’intérêt en leur proposant des livres du même auteur ou abordant des sujets proches. N’hésitez pas à leur offrir une grande variété d’ouvrages, y compris des documentaires qui peuvent donner un meilleur aperçu d’un sujet en particulier, tout en utilisant d’autres modes de narration et un vocabulaire plus technique.

Et souvenez-vous que cette période ne durera pas. Un jour, votre enfant aura un nouveau livre favori et l’actuel, qu’on l’adore ou qu’on le déteste, retournera sur son étagère.


Traduction : Aurélie DjavadiThe Conversation

Jane Herbert, Associate Professor in Developmental Psychology, University of Wollongong et Elisabeth Duursma, Senior Lecturer in Early Childhood Literacy, University of Wollongong

Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’article original.

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